Le meilleur des mondes d'Aldou Huxley
Le meilleur des Mondes d'Aldous HUXLEY
Les enfants Alphas sont vêtus de gris. Ils
travaillent beaucoup plus dur que nous, parce qu'ils sont si
formidablement intelligents. Vraiment, je suis joliment content d'être
un Bêta, parce que je ne travaille pas si dur. Et puis, nous sommes bien
supérieurs aux Gammas et aux Deltas. Les Gammas sont bêtes. Ils sont
tous vêtus de vert, et les enfants Deltas sont vêtus de kaki. Oh, non,
je ne veux pas jouer avec les enfants Deltas. Et les Epsilons sont
encore pires. Ils sont trop bêtes pour savoir...
Un état totalitaire vraiment efficient serait celui dans lequel le tout-puissant comité exécutif des chefs politiques et leur armée de directeurs aurait la haute main sur une population d'esclaves qu'il serait inutile de contraindre, parce qu'ils auraient l'amour de leur servitude. La leur faire aimer - telle est la tâche assignée dans les Etats totalitaires d'aujourd'hui aux ministères de la propagande, aux rédacteurs en chef des journaux et aux maîtres d'école.
Mais n'est ce pas une chose naturelle de sentir qu'il y a un dieu ?
_Vous pourriez tout aussi bien demander s'il est naturel de fermer
son pantalon avec une fermeture éclair, dit l'Administrateur d'un ton
sarcastique. Vous me rappelez un autre de ces anciens, du nom de
Bradley. Il definissait la philosophie comme l'art de trouver une
mauvaise raison à ce que l'ont croit d'instinct. Comme s'il on croyait
quoi que ce soit d'instinct ! On croit les choses parcequ'on a été
conditionné à les croire. L'art de trouver de mauvaises raisons à ce que
l'ont croit en vertu d'autres mauvaises raisons, c'est cela, la
philosophie. On croit en Dieu parcequ'on a été conditionné à croire en
Dieu.
"Les livres et les bruits intenses, les fleurs et les secousses électriques, déjà, dans l'esprit de l'enfant, ces couples étaient liés de façon compromettante ; et, au bout de deux cents répétitions de la même leçon ou d'une autre semblable, ils seraient mariés indissolublement. Ce que l'homme a uni, la nature est impuissante à le séparer.
- Ils grandiront avec ce que les psychologues appelaient une haine "instinctive" des livres et des fleurs."
" - Plus la castre est basse, dit Mr Foster, moins on donne d'oxygène.Le premier organe affecté, c'est le cerveau. Ensuite le squelette. A soixante-dix pour cent d'oxygène normal, on obtient des nains. A moins de soixante-dix pou cent, des monstres sans yeux.
-Lesquels ne sont absolument d'aucune utilité, dit Mr Foster pour conclure. "
L'un des étudiants leva la main ; et, bien qu'il comprît fort bien pourquoi l'on ne pouvait pas tolérer que des gens de caste inférieure gaspillassent le temps de la communauté avec des livres, et qu'il y avait toujours le danger qu'ils lussent quelque chose qui fît indésirablement « déconditionner » un de leurs réflexes, cependant... en somme, il ne concevait pas ce qui avait trait aux fleurs. Pourquoi se donner la peine de rendre psychologiquement impossible aux Deltas l'amour des fleurs ? Patiemment, le D.I.C. donna des explications. Si l'on faisait en sorte que les enfants se missent à hurler à la vue d'une rose, c'était pour des raisons de haute politique économique. Il n'y a pas si longtemps (voilà un siècle environ), on avait conditionné les Gammas, les Deltas, voire les Epsilons, à aimer les fleurs - les fleurs en particulier et la nature sauvage en général. Le but visé, c'était de faire naître en eux le désir d'aller à la campagne chaque fois que l'occasion s'en présentait, et de les obliger ainsi à consommer du transport.
- Et ne consommaient-ils pas de transport ? demanda l'étudiant.
- Si, et même en assez grande quantité, répondit le D.I.C., mais rien de plus. Les primevères et les paysages, fit-il observer, ont un défaut grave : ils sont gratuits. L'amour de la nature ne fournit de travail à nulle usine. On décida d'abolir l'amour de la nature, du moins parmi les basses classes, d'abolir l'amour de la nature, mais non point la tendance à consommer du transport. Car il était essentiel, bien entendu, qu'on continuât à aller à la campagne, même si l'on avait cela en horreur. Le problème consistait à trouver à la consommation du transport une raison économiquement mieux fondée qu'une simple affection pour les primevères et les paysages. Elle fut dûment découverte.
- Nous conditionnons les masses à détester la campagne, dit le Directeur pour conclure, mais simultanément nous les conditionnons à raffoler de tous les sports en plein air. En même temps, nous faisons le nécessaire pour que tous les sports de plein air entraînent l'emploi d'appareils compliqués. De sorte qu'on consomme des articles manufacturés, aussi bien que du transport. D'où ces secousses électriques.
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